À l’origine, c’est un modèle de fermeture temporaire de la pêche au poulpe, une espèce à croissance rapide fréquemment capturée par les petits pêcheurs dans le sud-ouest de Madagascar, qui a catalysé l’engagement communautaire dans la gestion de leurs ressources. L’expérimentation de fermetures temporaires dans un village a permis d’améliorer la taille et le rendement des captures et les moyens de subsistance des petits pêcheurs. Encouragé par des visites d’échange, le modèle a suscité un intérêt pour des efforts de gestion côtière plus ambitieux, conduisant à la création de l’AMGL Velondriake en 2006 (classée Aire marine protégée par l’État de Madagascar en 2015), que de nombreuses autres communautés ont depuis reproduit. Les AMGL, unies par le Réseau MIHARI, couvrent aujourd’hui près de 20% du littoral malgache.

Les communautés côtières isolées sont confrontées à de nombreux défis : pauvreté, accès limité à l’éducation formelle et aux soins de santé et manque général d’infrastructures. Les essais et l’adaptation, le renforcement des capacités et le renforcement des partenariats prennent du temps. Mais ces AMGL soigneusement développés assurent une gestion durable de la mer par les personnes qui la connaissent le plus intimement et en dépendent pour leur survie, selon une approche fondée sur les droits de l’Homme, au bénéfice des personnes et de la nature.

Depuis le lancement et l’extension des fermetures temporaires, de nombreux autres modèles ont été testés à Velondriake, suivant le même cycle d’apprentissage : écouter, planifier, faire, revoir, adapter, partager. Alors, où en sont ces modèles aujourd’hui ?

  • La collecte de données sur les captures de pêche, le suivi des réserves permanentes et le reboisement et la protection des mangroves est effectuée par des volontaires communautaires afin d’informer et soutenir la mise en œuvre de mesures de gestion adaptative et durable. Depuis 2020, une équipe scientifique communautaire a été formée au suivi écologique des récifs coralliens et des herbiers marins afin de se charger de la majeure partie du suivi écologique à Velondriake, et pour soutenir les AMGL voisines dans la cartographie participative des habitats marins.
  • Une étude a révélé qu’après six ans de protection, on trouvait presque trois fois plus de biomasse de poissons dans les réserves permanentes de Velondriake que dans les sites témoins où la pêche était autorisée (dans une des réserves, la biomasse était 6,5 fois plus élevée). Au début de l’étude, le récif était gravement appauvri, ce qui rend ces résultats particulièrement impressionnants. En 2020, les communautés de Velondriake ont décidé d’augmenter la superficie totale de leurs réserves permanentes de 59%.
  • Un processus participatif et représentatif (vastes consultations et retour d’information, élection des dirigeants d’associations au suffrage universel direct) a été progressivement mis en place dans le but d’actualiser et de développer le droit coutumier afin de consolider l’appropriation et l’engagement collectif.
  • Face aux défis combinés de l’insécurité des ressources et de l’isolement, l’association a mis en place des patrouilles communautaires de surveillance des pêches et des mangroves. Les patrouilleurs communautaires assurent la liaison avec les autorités locales afin d’obtenir un soutien dans l’application du droit coutumier, ce qui demeure un défi.
  • Un Comité régional de gestion du poulpe a été formalisé, dirigé par tous les acteurs impliqués dans le secteur (AMGL, secteur privé, ONG, centre de recherche et autorités de la pêche) dans le cadre d’un PAM (Projet d’amélioration de la pêche). Ce PAM vise à accroître les avantages socioéconomiques et environnementaux grâce à une éco-certification selon les normes du Marine Stewardship Council (MSC). Velondriake a relevé le défi d’être une unité de certification, même si le MSC est plus formaté pour la pêche industrielle et artisanale que pour la pêche traditionnelle à petite échelle.
  • Des modèles de culture communautaire d’algues et de concombres de mer ont été mis au point en partenariat avec des entreprises privées qui dispensent une formation et des conseils techniques aux agriculteurs communautaires, tous des travailleurs indépendants. Des comités de gestion des algues et des concombres de mer ont été créés au sein de l’Association Velondriake, afin de se préparer à son objectif ultime : la gestion autonome des exploitations.
  • Des groupes communautaires d’épargne et de prêt, créés avec le soutien de l’ONG Catholic Relief Services (CRS), permettent aux membres des communautés d’accroître leur résilience financière et d’investir dans des équipements et des activités économiquement rentables et écologiquement durables (par exemple, le remplacement d’outils de pêche destructeurs, tels que les sennes de plage, par des outils de pêche plus durables).
  • Tahiry Honko, un projet de conservation et de restauration de plus de 1 200 hectares de mangroves affiliées à la norme internationale Plan Vivo, permettra la vente de crédits carbone (1 371 tonnes de CO2 stockées par an pendant vingt ans) sur le marché international. Ce revenu annuel soutiendra la gestion locale de Velondriake et contribuera à des projets de développement communautaire, tels que le paiement des frais de scolarité et la construction de puits, d’écoles et de cliniques dans 10 villages, soit 4 000 habitants.
  • Bien que Velondriake soit actuellement cogérée par l’association communautaire et l’ONG Blue Ventures, un processus de transfert des responsabilités de gestion est en cours pour permettre une autonomie de la communauté dans tous les projets. Les organes exécutifs des deux organisations se réunissent deux fois par mois, et les statuts de l’association sont en cours d’adaptation pour professionnaliser leurs activités.

Au fil des ans, l’approche AMGL s’est avérée être une solution rentable, évolutive et socialement acceptable aux défis auxquels est confronté l’un des plus grands environnements marins d’Afrique. Ces AMGL protègent la sécurité alimentaire, s’attaquent à la pauvreté côtière et renforcent la résilience face à la dégradation climatique.

À Madagascar et dans une douzaine d’autres pays, nous nous engageons à soutenir le développement des AMGL jusqu’à ce qu’elles puissent agir de manière autonome en tant qu’organisations de gestion inclusives pour les pêcheurs locaux, négocier avec les partenaires privés, relever les défis sociaux et économiques et jouer un rôle crucial dans la protection et la gestion durable des ressources marines.


A propos de l'auteur


Gilde Tahindraza

 

Gilde travaille avec Blue Ventures depuis 2016, aidant les communautés côtières du sud-ouest de Madagascar à reconstruire leurs pêcheries. Gilde a une passion pour la conservation marine et apporte une compréhension et une connaissance solides des modes de vie et de la structure sociale des communautés de pêcheurs du sud-ouest, que Blue Ventures soutient. En tant que directeur régional de Blue Ventures dans le sud-ouest de Madagascar, Gilde possède une expérience dans tous les aspects de la gouvernance socio-organisationnelle dans la pêche artisanale. Il est un expert dans la création d’associations communautaires, permettant aux leaders d’acquérir des compétences en gouvernance pour soutenir la gestion marine.

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