La Coalition pour l’Antarctique et l’océan Austral (ASOC, selon ses sigles en anglais) milite depuis plus d’une décennie pour la création d’un système représentatif d’AMP dans l’océan Austral. L’ASOC est composée d’organisations et d’experts environnementaux du monde entier, engagés pour la préservation de l’Antarctique en tant que dernier grand refuge sauvage du monde. L’ASOC représente ce réseau mondial lors des réunions sur la gouvernance de l’Antarctique. L’organisation habilitée à prendre des décisions sur la conservation de l’océan Austral, et donc sur la création d’AMP dans l’Antarctique, est la Commission pour la conservation de la faune et de la flore marines de l’Antarctique (CCAMLR, selon ses sigles en anglais).

Contrairement aux organisations régionales de gestion des pêches (ORGP), la CCAMLR est une organisation de conservation, et la possibilité de fermer des zones à la pêche à des fins de conservation est inclue dans son accord fondateur, la Convention sur la conservation de la faune et de la flore marines de l’Antarctique. La CCAMLR s’est engagée à désigner un système d’AMP en 2009, et a depuis désigné deux AMP : l’AMP du plateau sud des Orcades du Sud et l’AMP de la région de la mer de Ross. Celles-ci constituent les premières AMP en haute mer du monde, et un exemple puissant de coopération internationale. Néanmoins, la CCAMLR s’est engagée à mettre en place un système représentatif, et les analyses scientifiques actuelles indiquent que davantage d’AMP doivent être désignées, non seulement pour atteindre l’objectif de 30% en Antarctique, mais aussi pour protéger l’ensemble de la biodiversité et des types d’habitats antarctiques.

L’urgence est claire. La région antarctique et ses espèces sont connues pour être extrêmement sensibles aux changements climatiques, certaines espèces de manchots connaissant déjà un déclin dans la péninsule antarctique en raison du réchauffement des températures. Parallèlement, les activités humaines comme la pêche, le tourisme et la recherche scientifique augmentent, accroissant l’empreinte humaine dans des écosystèmes vulnérables aux perturbations. Bien que les activités dans l’Antarctique ne comptent pas parmi les moteurs principaux des changements climatiques mondiaux, elles peuvent exacerber le stress associé au réchauffement des températures. Avec un consensus scientifique croissant confirmant que les aires protégées sont une réponse efficace à la double crise des changements climatiques et de la perte de biodiversité, il est clair que la CCAMLR doit agir dès maintenant pour préserver l’avenir de l’Antarctique.

Heureusement, de nombreux États membres de la CCAMLR ont investi des ressources considérables pour rassembler une multitude de données scientifiques afin d’élaborer des propositions d’AMP supplémentaires, notamment dans la mer de Ross, la péninsule Antarctique, la mer de Weddell et l’Antarctique oriental. Ces zones sont riches en faune, y compris des calmars colossaux, des manchots et même des coraux d’eau froide. Leur protection contribuerait grandement à la réalisation des objectifs de préservation de la biodiversité et de renforcement de la résilience des écosystèmes dans un climat changeant, tout en établissant des zones de référence ou de contrôle scientifiques précieuses à comparer aux zones de pêche. Elle permettrait également de limiter les activités de pêche, controversées dans certains pays de la CCAMLR. Ainsi, ces AMP n’ont pas encore été désignées, malgré leur solide base scientifique.

Malgré cela, une dynamique vers leur désignation continue de croître. Très récemment, le G7 a publié un communiqué soutenant clairement la désignation d’AMP dans l’océan Austral entourant l’Antarctique. Même avec le soutien de ces nations puissantes, la désignation d’AMP dans l’Antarctique nécessitera un consensus des 26 États membres (25 pays et l’UE) de la CCAMLR. Pourtant, la CCAMLR est déjà parvenue à un consensus sur les AMP et peut le faire à nouveau si tous ses membres négocient de bonne foi.

La désignation de trois nouvelles AMP dans l’Antarctique représenterait une réponse puissante aux crises mondiales de la biodiversité et du climat. Alors même que les appels à faire face à ces situations d’urgence se multiplient, les dirigeants mondiaux semblent encore hésiter à prendre les mesures ambitieuses nécessaires pour inverser, ou même simplement ralentir, les menaces qui pèsent sur les systèmes planétaires. La CCAMLR a toujours été un chef de file de la coopération internationale en matière de conservation, notamment en par la désignation des premières AMP en haute mer du monde. Elle a aujourd’hui l’occasion de démontrer une fois de plus que les pays peuvent travailler ensemble pour relever les défis environnementaux. L’ASOC appelle la CCAMLR à faire de 2021 une année charnière pour l’Antarctique et la planète, en prouvant qu’une action décisive en matière de protection marine est possible.


A propos de l'auteur


Claire Christian

 

Claire Christian est directrice exécutive de la Coalition pour l’Antarctique et l’océan Austral. Elle travaille pour l’ASOC depuis 2009 et possède une expertise considérable sur l’ensemble des questions relatives à l’environnement antarctique. Son objectif est d’éduquer et d’inspirer les personnes du monde entier à protéger le continent antarctique et son océan environnant, qui comptent parmi les derniers grands refuges sauvages du monde. Elle coordonne les politiques et stratégies liées à de nombreuses questions ayant une incidence sur l’environnement antarctique, notamment le tourisme, la pêche, les aires marines protégées et les changements climatiques. Dans le cadre de ce travail, elle a développé des relations avec les parties prenantes de l’Antarctique, y compris des responsables gouvernementaux, des scientifiques et l’industrie. Claire dirige les délégations de l’ASOC aux Réunions consultatives du Traité de l’Antarctique (ATCM, selon leurs sigles en anglais), ainsi qu’aux réunions de la Commission pour la conservation de la faune et de la flore marines de l’Antarctique (CCAMLR). Elle a écrit des billets de blogs, des articles d’opinion et des articles universitaires, et a été interviewée par une grande variété de publications et de médias internationaux. Claire a un penchant particulier pour les espèces d’invertébrés fascinantes mais peu connues de l’Antarctique, et aspire à les rendre aussi célèbres et estimées que les manchots. Elle est titulaire d’une maîtrise en Affaires internationales de l’American University School of International Service.

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