Cette expertise est indispensable, en cette période de changements climatiques anthropiques, pour vivre dans la région qui se réchauffe le plus rapidement au monde. Dans l’ensemble de l’Inuit Nunaat, les Inuits ont montré une capacité incroyable à s’adapter à la myriade d’impacts des changements climatiques, de glaces marines imprévisibles au dégel du permafrost, de changements soudains dans nos systèmes alimentaires aux impacts sur notre langue.

La Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones est un outil important dans notre travail pour affirmer notre statut, nos droits et notre rôle distincts en tant que peuples autochtones de l’Arctique. La Déclaration des Nations Unies affirme explicitement notre droit à l’autodétermination, condition préalable à l’exercice et à la jouissance de tous les autres droits de l’homme. Elle reconnaît également la relation profonde que nous entretenons avec nos terres, territoires et ressources. Par conséquent, en ce qui concerne cette relation, il est crucial que l’UICN et la communauté mondiale respectent et reconnaissent les droits de l’homme liés, interdépendants et indivisibles des Inuits en tant que peuples autochtones distincts.

Grâce au respect et à la reconnaissance des droits des peuples autochtones sur leurs terres, territoires et ressources, nous pourrons nous assurer que nos valeurs, coutumes et pratiques de développement durable soient maintenues et manifestées d’une manière soutenant notre survie en tant que planète et en tant que peuples divers. Cependant, cela nécessite un accommodement de nos droits au sens le plus large.

La richesse des « connaissances complexes » que nous avons accumulées sur nos écosystèmes respectifs constitue une contribution majeure des peuples autochtones aux solutions fondées sur la nature. Les peuples autochtones ont une compréhension très développée, sophistiquée et détaillée du monde, dans laquelle tous les aspects sont liés, interdépendants et indivisibles. Si un élément est perturbé, l’ensemble sera affecté.

Notre vision du monde reflète notre relation à nos territoires. Notre relation avec notre environnement est diverse et étendue, et comprend la chasse de mammifères marins, la pêche et la collecte de végétation marine, qui contribuent à notre sécurité alimentaire, l’utilisation durable, la gestion et la cogestion du milieu marin comme expression de la souveraineté alimentaire, et la traversée des océans.

En tant que peuple de la mer, nous avons développé de nouveaux paradigmes pour la conservation marine, avec des approches dirigées par les Inuits s’appuyant sur notre culture, nos valeurs et notre économie. Le Pikialasorsuaq (Sarvarjuaq au Canada) n’est qu’un exemple de la façon dont les Inuits du Canada et du Groenland voient la conservation marine d’une région d’importance mondiale : la Polynie des eaux du Nord.

Il est nécessaire que tous les États membres de l’ONU, la CCNUCC, la CDB, l’OMI, les organisations internationales de conservation et de vie sauvage, y compris l’UICN, ainsi que toutes les autres institutions spécialisées et organisations intergouvernementales établissent des liens clairs et sans équivoque entre océans, biodiversité, changements climatiques et droits autochtones pour le bien-être du monde entier. En effet, le rapport spécial du GIEC sur les océans et la cryosphère souligne cette dynamique essentielle. Une telle compréhension est directement pertinente pour un large éventail de forums internationaux et nationaux (par exemple, la CDB et le Cadre pour l’après 2020, la biodiversité au-delà des juridictions nationales (BBNJ), le Traité sur l’océan Arctique Central, le Conseil de l’arctique) et, surtout, pour la reconnaissance explicite du rôle central des océans pour les Inuits et pour l’humanité dans son ensemble.

Depuis trop longtemps, nous sommes confrontés à des difficultés d’acceptation et de compréhension des droits de l’homme autochtones. Il est temps que les choses changent et de veiller à ce que la légitimité et la valeur des modes de vie et des connaissances autochtones, ainsi que le respect et la reconnaissance des droits de l’homme autochtones, fassent partie intégrante de toute société. Grâce à l’engagement éthique des peuples autochtones et de leurs détenteurs de connaissances, nous pouvons trouver des voies importantes vers la coproduction de connaissances qui contribueront à la sauvegarde de la planète pour tous. Comme Eben Hopson, fondateur de l’ICC, l’a déclaré en 1977, « notre langue contient la mémoire de quatre mille ans de survie humaine grâce à la conservation et à la bonne gestion de notre richesse Arctique... notre langue contient une connaissance complexe de la glace que nous n’avons trouvé chez personnes d’autre. Sans notre participation centrale, il ne peut y avoir de mise en valeur sûre et responsable des ressources arctiques ».

Le droit à l’autodétermination, combiné aux conceptions autochtones originales du développement durable et à nos systèmes de connaissances, sont tous des facteurs nécessaires pour assurer l’équité et l’égalité entre les peuples autochtones et les autres. Nous sommes au cœur du développement durable et de l’intégrité globale de la planète.

Il est un besoin fondamental de confiance et de respect.

En conclusion, nos communautés détiennent un pouvoir extraordinaire, en particulier face aux changements spectaculaires et rapides auxquels nous assistons dans l’Arctique en raison des changements climatiques et autres facteurs. Je crois que nous sommes prêts à contribuer au large éventail de questions et de défis auxquels la communauté mondiale tout entière est confrontée. Merci. Quyanaq.
 


A propos de l'auteur


Dr Dalee Sambo Dorough / Photo: Marc Lester

 

Le Dr Dalee Sambo Dorough est Présidente internationale du Conseil circumpolaire Inuit (CIC), une organisation autochtone de l’Arctique fondée en 1977 qui représente les droits et intérêts des Inuits du Groenland, du Canada, de l’Alaska et de la Tchoukotka russe. L’ICC est également l’un des membres fondateurs qui ont conduit à la création de la catégorie de membres de l’UICN pour les Organisations des peuples autochtones (OPA). Le Dr Dorough est une Inuk d’Alaska, où elle a joué un rôle actif dans les relations internationales, le droit international et les droits de l’homme, ainsi que dans l’autodétermination des peuples autochtones d’Alaska. Elle est titulaire d’un doctorat de la Faculté de droit de l’Université de la Colombie-Britannique (2002) et d’une maîtrise en droit et diplomatie de la Fletcher School de l’Université Tufts (1991). Elle a été professeure adjointe de relations internationales au Département des sciences politiques de l’Université d’Alaska à Anchorage. Le Dr Dorough a été membre expert de l’Instance permanente des Nations unies sur les questions autochtones, et est actuellement coprésidente du Comité de l’Association de droit international (ADI) sur la mise en œuvre des droits des peuples autochtones. Ses intérêts professionnels se concentrent sur les droits humains autochtones et les questions arctiques. Elle vit avec son mari, Luke (Sioux Waccamaw), et leur fille, Hannah, à Anchorage, Alaska.

 

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